28.10.09

 

La « ramassaïerie !

La « ramassaïerie »
La maison, non loin de chez moi, était meublée très modestement.
Finalement, assez vide, comme si elle avait déjà été débarrassée.
Il en était souvent ainsi, j’étais là, plus pour nettoyer les restes que pour faire une belle et bonne affaire.
Mais il ne fallait jamais rien négliger, car les choix des personnes n’étaient pas forcément judicieux, et je pouvais trouver provende, tout au moins pour mes accumulations et utilisations artistiques en cela aussi !
J’avais pris quelque plaisir à trouver sur, les étagères, des tasses et sous-tasses Sicard, caractéristiques des années 50 ici.
Un joli modèle d’un jaune orangé très agréable aux formes boursoufflées, avec un parement d’olives si je me souviens bien.
Mais il n’y avait rien de transcendant, capable de faire palpiter le cœur d’un brocanteur.
La curiosité résidait dans la baraque qui se trouvait sur le côté, dans le jardin.
C’était un amoncellement furieux et inextricable, de tout !
Cet homme avait conservé le moindre couvercle de yaourt d’un côté, et les pots de l’autre, la moindre capsule de bouteille, les bouteilles de bière et autres, les bouchons de liège, tout ce qui était répétitif et commun, la liste du contenu de cet amoncellement était impossible à réaliser, tant il y en avait.
Les choses étaient réunies entre elles.
C’était un entassement sans explications si ce n’est très probablement l’expression d’une manie qui remontait à la dernière guerre où la peur de manquer avait ainsi généré ce type de comportement. ‘Interprétation personnelle’.
Je n’ai pas fouillé cet endroit car il y avait des rats, des rats tout blancs, qui prenait la fuite et m’ont fait fuir, dès que l’on tentait de regarder d’un peu plus prés, et j’avais renoncé.
Je regrette encore de n’être pas allée plus loin dans cette exploration, et de n’avoir pas pris des clichés.
Je n’étais pas encore assez au fait, de l’intérêt de ces expériences.
Chaque fois que je passe devant ce lieu, je me demande si les nouveaux occupants ont débarrassé cette baraque ou bien si cela est resté.
Si le fait d’entasser de la sorte peut être comparé à de la collectionnite, je veux bien, mais en l’occurrence, il n’y avait là aucune intention artistique ou spéculative, très souvent les adjuvants du collectionneur.
J’ai la connaissance d’un certain nombre de collections véritables.
Des collections bâtardes, constituées de bric et de broc, sans unicité ni démarche scientifique et d’autres et en tout genre particulièrement ordonnées et réfléchies.
Je peux donc en toute connaissance de cause établir une différence entre un ramassage et une collection.
Le deuxième exemple en la matière, fut l’appartement d’un ancien météorologiste de marine.
Il avait conservé toutes ses cartes de toute sa carrière qui avait dû être longue.
L’appartement en regorgeait à ce point, qu’à notre sens il fallait au moins une semi-remorque pour le débarrasser.
A mon idée, ce genre de comportement tient du compulsif.
Je pourrais parler aussi de cette sorte de chambre de bonne à Marseille où était entassée tout le fond de magasin d’une ancienne papeterie.
Mais je pense qu’il s’agissait d’une accumulation « débarrassatoire », plus que d’autre chose. Notre regretté et respecté ami, R, constituait pour moi également une expérience.
Ici, l’histoire se complique car R, en plus de son immuable casquette en coiffait plusieurs.
Il était à la fois artiste, « ramasseur », et collectionneur à plusieurs titres.
Je crois savoir qu’il avait un vrai faible pour « sa décharge », qu’il considérait comme partie prenante de son art..
Il y avait non loin de chez lui, une décharge, qu’il prenait disait-il un plaisir presque quotidien à fréquenter, pour y opérer son ramassage.
Il avait ainsi constitué un véritable entassement de bouts de bois de tout gabarit, de planches, de grillage et bouts de fil de fer, de cordes………..J’en passe !
C’était sans doute devenu compulsif et passionnel, c’était aussi un comportement issu des anciennes générations et du temps de la guerre, mais pas seulement, puisqu’il est évident que l’artiste et surtout l’artiste singulier utilise souvent les moyens du bord, pour réaliser ses créations.
Sauf que, il me paraît anormal, d’en faire une règle absolue, et qu’il ne saurait y avoir d’interdit à utiliser des matériaux nobles, voir précieux, si notre désir, ou, et, l’occasion nous en sont donnés.
Ce qui n’empêchait pas R d’être devenu son propre collectionneur.
Mais si cet immense et impressionnant surajouté d’œuvres était exposé dans sa maison, avec d’ailleurs une sorte de volonté muséale, il me semble que le but en était plus une histoire de volonté de conservation à désir pérenne.
Sa construction propre, au travers de la construction du site qui était le sien.
Cet édifice véritable, qui faisait de cet homme à l’apparence « bonhomme » un érudit de base sur bien des points.
Tant et si bien que si enlevant une œuvre il restait un trou sur le mur à la place, cela pouvait lui sembler intolérable.
Cela par ailleurs ne l’empêchait pas d’avoir constitué lui aussi j’imagine « sa modeste collection », par le biais des rencontres et des échanges entre artiste.
C’est ainsi que nous avons fait des échanges plusieurs fois.
(Je ferai ici une parenthèse sur les échanges bien que cela ne soit pas forcément le sujet.
L’échange entre artiste est généralement un acte de générosité certes mais une sacralisation de l’autre.
Si j’échange, c’est que quelque part je t’estime ou que j’ai de l’admiration pour ton travail.
C’est un acte d’amour ou d’amitié.)
Il avait eu le goût aussi, de collectionner tout autre chose, qui de toute façon avait un lien évident avec le fil de sa dynamique artistique.
C’était d’œuvre en œuvre le fil d’Ariane qui conduisait sa traversée de l’existence.
C’était existentiel !
Je pense que ce fut l’un des points principaux qui pouvait rapprocher nos démarches.
Je reviendrai sur ces types de rencontres et ces accumulations des œuvres d’artistes que j’ai pu connaître et fréquenter ultérieurement, car c’est un sujet qui me passionne, et ces femmes et hommes méritent que je les salue au passage.
Ma troisième expérience en la matière, fut l’appartement d’un ancien météorologiste de marine.
Il avait conservé toutes ses cartes de toute sa carrière qui avait dû être longue.
L’appartement en regorgeait à ce point, qu’à notre sens il fallait au moins une semi-remorque pour le débarrasser.
Pour ce qui me concerne, j’ai d’abord ramassé par métier.
On ramasse par métier lorsque l’on prend les choses en petit brocanteur à petits moyens, parce que faute de mieux, il faut faire feu de tout bois.
Et on gagne sa vie un sou par un sou.
Si au lieu d’être un ramasseur, on est un collecteur, on est beaucoup plus judicieux.
On procède avec méthode.
On sélectionne, on se restreint aux mises de fonds certaines, assurées de leur valeur, et de l’opportunité rapide de clientèle.
On évite ainsi logiquement le problème de l’entassement en faisant des rotations rapides.
Je m’étais vite mise à réutiliser l’invendable, le touffu, l’impossible pari!
Je m’étais heurtée à la cherté des fournitures en peinture et en fils, et j’avais notamment accumulé avec voracité, tout ce qui était fond de mercerie.
C’est ainsi que notamment, j’avais fait un énorme ramassage de boutons, voir de perles, de dentelles et de billes.
J’ai appris à développé des collections, car ce métier vous prédispose à la chose, mais surtout, j’ai vite su me défaire de cette particularité. Refuser l’appropriation d’objets artistiques ou manufacturés au motif, que j’étais capable de fabriquer moi-même la plupart de mes rêves.
Si je considère les pièces de « ma collection » (mes œuvres) une à une, j’aime cela car chaque œuvre a une histoire et aussi une aventure.
Si l’on m’enlève une œuvre on ôte un morceau de ma vie !
C’est l’une des raisons pour laquelle j’ai horreur de cette manie, qu’ont les gens de vouloir planter dans leurs parutions des biographies.
D’abord parce qu’ils le font succinctement en ramassant des bribes le plus souvent erronées, ensuite parce qu’ils mettent en avant des morceaux de vie moins intéressants que d’autres aux yeux de l’artiste.
Pour un regard extérieur sur mes œuvres, le jugement est esthétique ou émotif, pour moi, les œuvres peintes notamment, se différencient par leur motivation, les heurs et malheurs de leurs créations, et les aventures qu’elles ont vécues ou suscitées.……. Date de création, matériaux utilisés, dans quel contexte ; expositions, transportations, expéditions, succès ou désagréments.
Chaque œuvre est une histoire et même plusieurs histoires dans l’une, et chaque œuvre a son histoire.
Tout inventaire qui ne s’attarderait pas sur ces points ne pourrait être considéré que comme un descriptif.
Mon aventure artistique fut longue.
J’ai le sentiment d’arriver à une sorte de saturation.
Ma maison qui me fut comme un manteau protecteur et salvateur pendant longtemps, me pèse, m’oppresse.
J’ai réalisé quelque chose, et ce fut bien ! Je ne veux pas jouer un rôle.
J’ai envie d’un ailleurs.
J.C.C. m’a dit que j’étais en train, de construire mon tombeau.
J’espère qu’il n’en n’est rien !
Je ne veux pas de tombeau.
Mais je rêve d’une Île nouvelle à découvrir.
Un faire nouveau, sur un chemin buissonnier.
Un vrai recommencement.
Une fois, dans une émission de télévision à laquelle je participais et qui avait absolument voulu faire de moi, une excentrique au mauvais sens du terme, une psychologue avait dit, que ce genre de comportement, conduisait le plus souvent, à la solitude et au désespoir.
Je refuse cette appréciation pour ce qui me concerne.
Pour éviter l’écueil, il faut savoir tourner la page, et se refaire autrement, voir ailleurs.
Mais sait-on jamais, peut-être suis-je une tricheuse, une trompe la fin prochaine!

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