7.12.08

 

réponse de danielle pour Viviane.

Réponse à Viviane.
J’ai assisté pour ma part au démantèlement de trois univers d’art brut.
Je ne pourrai jamais l’oublier.
C’est avec rage que ces trois fois- là, les bouteurs (mot proposé par mon ordinateur), ont pu montrer de quoi ils étaient capables.
J’aurai l’occasion d’en reparler.

Viviane me fait grand plaisir et grand honneur, en m’accordant la possibilité de relater « ses aventures ».
Je m’étais dit depuis longtemps que, avec le caractère qui était le mien, je n’avais aucune chance en politique.
Même si, je considérais par ailleurs que c’était la chose la plus intéressante de la vie sociale.
Et, j’avais donc décidé de faire de la politique dans « mon jardin ».
Je pensais que l’art ne pouvait se satisfaire de partis pris politiciens, et que l’artiste s’adressait à tout un chacun, sans considération de l’opinion politique de l’autre.

En ce qui concerne l’art, les conservateurs aussi bien que les novateurs sont dans tous les camps.
C’est ce qui complique et parfois facilite la chose.

Le respect de la tradition est souvent confondu avec l’amour des gens, l’amour et le respect du terroir, du paysage qui doit être immuable.
C’est souvent compliqué aussi, par des conceptions corporatistes, ou des petites ambitions artistiques, qui semblent être le tissus électoral ordinaire.
On ne saurait donc mettre en péril le calme ambiant, à cause des idées excentriques (je veux dire en dehors du cercle) d’une seule.
On oublie de se dire que si l’on dresse des grands, et magnifiques « Musées » voués à » l’Art Premier » ; le plus souvent les concepteurs d’environnements outsider art, en sont parties intégrantes.

Le problème, est que si l’on ne se mêle pas de la politique, « elle », et surtout « eux » se mêlent de vous.
Dans le monde comme je l’imagine, « ils » devraient pourtant être suffisamment ouverts, être le liant, selon ma façon de voir les choses, qui facilite.
Comment peut-on, au nom de je ne sais quels critères d’homogénéité, de conformisme, et de manque de culture tout court, intervenir sur le choix d’une artiste à vouloir à son gré, faire de son propre terrain et dans son propre bien personnel, un parc d’art brut?
Est-on à ce point craintif sur ses bases?! que l’on craigne la subversion de l’art à l’état libre.
Est-on aussi suffisamment inculte, pour ne pas avoir compris que l’expression d’art brut, hors les normes, singuliers quelle que soit l’appellation est inscrite dans la marche en avant des conceptions et que ce phénomène mondial, est irréversible.
La Maison de celle qui peint se construisant, a fait crier.
Il y a eu, on me l’a dit, des listes de pétitions dressées pour m’empêcher.
Ce fut miracle, car la pression était dérangeante, mais « on » a été ici, respectueux , et j’ai pu faire!
J’irai plus loin, et je ferai mon mea culpa .…..
Lorsque j’ai réalisé ma façade dernière mouture et la plus investie, mes voisins se sont décidés à refaire leur façade, aussi.
J’ai vu s’installer avec crainte des murs bien jaunes dans les couleurs consensuelles et conscientielles ici, et horreur pour moi, ils avaient choisi de peindre leurs persiennes en marron.
Bien entendu, je n’ai rien dit de cette initiative qui me semblait-il, était en désharmonie, avec l’œuvre que je venais de réaliser, mais j’en étais blessée.
Et puis, chemin faisant, j’ai conforté la conviction que chacun dans tous les sens, doit faire son mur comme il l’entend.
Et même, je trouve que le contraste est valorisant pour tout le monde.
Comme quoi, l’intolérance se cache toujours quelque part, et en l’occurrence, là où on serait moins porté de le penser.

Je pense même, que si j’étais suivie dans mon utopie, et que ma rue devienne le centre mondial d’un grand « Conservatoire d’art singulier », j’intègrerais telle quelle,
La maisonnée provençale et son contraste, dans l’ensemble..
A quand la confiance, le retournement des mentalités, pour donner à tout un chacun d’une certaine façon, ou d’une façon certaine, et la possibilité d’œuvrer sur son propre bien, mais pourquoi pas, d’ouvrir la compétence pour les « gens du commun » à rêver l’intervention sur l’espace public.
Ce qui a caractérisé ma démarche et en quelque sorte sa réussite, c’est le fait d’être toujours restée malgré ma position marginale en interaction avec les gens.
D’avoir été progressive dans mon progressisme..
Je n’ai pas assené ma façade d’un coup, mais je l’ai construite et reconstruite au fil du temps.
Journalière, avec un grand travail sur les mentalités, par le biais de tous les gens que je recevais et par toutes mes actions et réactions et notamment la création du festival d’art singulier.
J’en viens à parler de mon aventure, alors qu’il s’agit ce jour de celle de Viviane.
Mais ce ne sont pas deux histoires, mais la même, vous l’aurez compris.
Je prône en la matière, non pas l’affrontement qui ne mène à rien, mais un lent travail de conviction.
Pas de découragement.
Viviane a des amis nombreux.
Je me dis toujours que l’œuvre n’est rien, sans l’aventure.
Vive l’aventure de Viviane.

Comments:
Ma première rencontre avec l'Art Brut a eu lieu en 1989, alors qu'entre 2 boulots, 2 galères, j'effectuais un stage dans le cadre d'une formation de concepteur-rédacteur publicitaire. J'étais à l'Atelier Populaire d'Urbanisme, au-dessus des Petits Frères des Pauvres, à Lille. Dominique, le responsable, cherchait à faire connaître Jean Smilowski, un créateur à l'histoire étonnante.

Il vivait depuis les années 40 dans une cabane construite dans les remparts de Lille, d'abord avec ses parents, puis dans une totale solitude, pendant laquelle il ne cessait de peindre et de décorer sa cabane, d'objets hétéroclites, de soldats polonais qu'il peignait, et enfin, de représentations de Ramona avec lui-même, dans une histoire d'amour imaginaire pour le personnage (et non l'artiste de cinéma), auquel il est resté fidèle jusqu'à la fin de sa vie.

Les remparts de Lille ont été démolis (ce que regrettent aujourd'hui bien des lillois auxquels il manque des espaces verts, la ville étant bonne dernière des métropoles à ce niveau), et Jean relogé dans une HLM, dans laquelle il est mort l'année suivante, en 1982. Changer son univers campagnard contre l'enfermement des cages à lapin lui aura sans doute été fatal.

Ceux qui ont essayé de sauver la cabane contre la raison d'état ont au moins préservé des panneaux, encore visibles à la Maison de Quartier du Vieux Lille, et sur lesquels ont travaillé passionnément des stagiaires des CAT (Centres d'Aide par le Travail), dont une partie des travaux se retrouve encore dans mon jardin, après bien des péripéties.

Un autre souvenir lié à Smilowski, quand je "suivais" des rmistes professionnellement, j'eus un plasticien, à qui je n'avais pas grand-chose à proposer (quand il n'y a pas d'emploi !), mais à qui je racontais cette vie difficile, en lui spécifiant que des cartes postales avaient été tirées de son oeuvre, et que je ne savais comment me les procurer. A l'entretien suivant, le plasticien avait pour moi les cartes. Je pensais, une fois de plus, que les "pauvres" ont plus à donner que toute la richesse du monde, et qu'il faudrait un jour le reconnaître.

Voilà le démantèlement d'univers, par la non-reconnaissance de la culture par la société actuelle, qui laisse mourir ses artistes, pour goudronner des routes dévolues à la voiture, et casser les initiatives des petites associations, qui n'a d'argent ni pour eux ni pour les pauvres, mais en trouve sans problème dans ses caisses vides dès qu'il s'agit des banques.
 
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