29.6.08

 
Texte de Michèle Perez, Adjoint du Conservateur du Musée International d’Art Naïf « Anatole Jakovsky » à Nice, dans le catalogue ORGANuGAMME, exposition de Danielle Jacqui (en cours jusqu’au 3 novembre).

Bien sûr, elle n’est pas la seule, mais à bien des égards, s’il ne devait en rester qu’une, il se pourrait que ce soit elle.
Pour aborder le travail de Danielle jacqui, il faudrait bien évidemment parler des créateurs d’environnement. Il faudrait également aborder le principe d’utilisation des matériaux de récupération, des rebuts de la société de consommation, des humbles objets du quotidien, hommage à une esthétique rarement reconnue comme telle. Tout cela est bien sûr à présent dans son œuvre. Il suffit pour s’en convaincre, non seulement de regarder son travail, mais aussi de l’entendre, au détour d’une conversation, spécifier l’hommage rendu au canevas, archétype populaire des ouvrages de broderie, inclus dans l’un de ses tableaux, procédé qu’elle utilise également dans son design de vêtement.

Mais au-delà de ces dimensions, encore une fois bien présentes, l’apport de Danielle Jacqui est spécifique et peut être érigé jusqu’à l’exemplarité. C’est tout d’abord dans le refus de ce que l’on pourrait qualifier de posture humble.
Danielle Jacqui s’est autorisée à être artiste. A avoir une pratique artistique dévorante, véritable raison de vivre. Pas dans le cadre d’une pratique occupationnelle ou de loisir, mais dans celui de mode de vie. Et elle en est consciente. Comme elle est consciente de ce que sa position peut signifier pour les autres. Et des changements, artistiques, sociaux, urbanistiques et personnels que cette position adoptée par d’autres, de plus en plus nombreux pourrait signifier.
Danielle Jacqui s’autorise en grand, « grand angle » comme elle dit. Pas modestement, pas petitement, pas timidement.
Posture encore relativement inédite.
A l’heure où la démocratie culturelle est de plus en plus évoquée et où la notion de développement durable de la culture fait son apparition, prônant que « tout être humain, à tous les échelons de la société se voit offrir la possibilité de devenir producteur/acteur de culture et de dépasser le stade de simple consommateur », comme indiqué dans un avis de 2002 de feue la Commisssion française du développement durable, à l’heure où les villes, soumises à une intense compétition, cherchent, en réfléchissant à la culture, au lien social, à la qualité de vie et à l’innovation urbanistique, à promouvoir de nouveaux modèles, il n’est pas interdit de penser que Danielle jacqui artiste autodidacte qui croit en les capacités artistiques de chacun et tente de persuader Aubagne, qu’elle a droit à la même créativité que Barcelone, puisse servir d’exemple, de moteur.
Se réapproprier la possibilité créatrice dans le labeur humain à l’instar, mais pas identique, de ce qui se faisait dans les sociétés préindustrielles fait tout autant partie de la démarche de Danielle jacqui. Créer ses vêtements, décorer sa maison,ses meubles, de façon totalement personnelle, renoue avec cette dimension perdue.
Du salon des Indépendants à la culture hip hop, de l’Art Brut, à la Figuration Libre, de Signac à Basquiat, Danielle Jacqui s’inscrit dans cette perspective récurrente de la reconquête de l’art. Comme rebelle, mais comme rebelle positive, idéal qu’elle partage, encore un lien, avec Afrika Baambata, le fondateur de la culture hip hop.
Au reste, les graffeurs de Roquevaire et d’Aubagne ne s’y sont pas trompés, puisque, réalisée depuis déjà huit ans, sa fresque murale n’a pas été taguée, preuve que Danielle Jacqui a été adoubée.
C’est aussi qu’elle est une briseuse de frontières artistiques et n’hésite pas à s’emparer des outils de communication plus spécifiquement peut-être dévolus à l’art contemporain. Artiste singulière, Danielle jacqui se prête ainsi aux résidences d’artistes, aux work shops, rédige son blog assidument.
Car il faut dire, autre spécificité, que Danielle Jacqui est une icône underground. Reconnue par des artistes contemporains comme par les membres les plus pointus des collectifs de bandes dessinées.

Michèle Perez

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