12.1.07

 

de Pierre Architta


Depuis un peu plus d’un mois, les ateliers Thérèse Neveu m’ont demandé d’intervenir pour aider avec mes connaissances en céramique Danièle JACQUI, à réaliser un projet monumental de sculptures en terre pour la gare d’Aubagne. J’ai eu un moment d’hésitation car il me paraissait impossible de réaliser un tel travail dans un lieu (les ATN) non conçu pour cela, avec une artiste qui connaissait peu la céramique du moins techniquement. Puis, j’ai pris la décision d’accepter ce chalenge car motivé par la rencontre avec Danièle et son travail.

De ce travail, je ne voyais qu’en passant, sa Maison, à Pont de l’Etoile, sans m’y être attardé vraiment. A chaque fois, résonnait toujours en moi, ce contact que j’avais eu avec l’art brut en 1978, durant mes études aux Beaux Arts par l’intermédiaire d’André Alauzun Di Genova. Mais ce travail ne me parlait pas en tant qu’art brut et en effet, Danièle m’a appris à faire la différence avec son art qui est singulier. Cette singularité m’intéresse parce qu’inclassable dans notre Histoire de l’art contemporain.

La terre :

En arrivant aux ATN, j’ai regardé les réalisations de Danièle, puis en les observant, j’y découvrait un monde d’une grande sensibilité, qui s’exprimait à travers l’argile. Tourmenté? Pas vraiment, je dirais plutôt force du sentiment exprimée par la terre. Je proposais alors de changer de terre, pour prendre un grès de sculpture plus adapté à cette réalisation. Un grès qui traduise cette force d’un être qui me paraissait fragile.

Je me souviens de cette citation d’Omar Khayyâm (XIème siècle Perse) :

« Ces potiers qui plongent leurs mains dans l’argile puissent ils travailler avec intelligence et raison ! Jusqu’à quand continueront –ils à la meurtrir des pieds et des mains ? C’est l’argile du corps humain ! A quoi pensent ils donc ? ».

Danièle me parlait de ses mains, de sa douleur à travailler la terre. Je ne dis rien. Car pour ne pas « meurtrir la terre » je pensais qu’il fallait une argile qui se laisse apprivoiser par des mains sensibles.

Une terre qui ne se batte pas, qui se modèle avec force et sensibilité, sans souci de la casse au feu. Après je ferais mon travail de céramiste en lui proposant un contact doux avec le feu. Un long très long petit feu pour la dégourdir dans ce four qui nous parvint courrant décembre et qu’il fallu connaître.

Le four :

Le potier n’est rien sans son four. Le four c’est son prolongement, c’est l’instant où l’on coupe une première fois le cordon ombilical avec sa création. Après l’eau et l’air, on vas la confier à un élément de la nature qui vas l’immortaliser : le feu. (Souvent je dis à mes élèves : « signez vos pièces, pensez aux archéologues du futur »). Une fois cuit, on sort du four un dégourdi.

J’aime bien ce mot de dégourdi qui qualifie les pièces cuites d’une première fournée. C’est comme un bon pain qui lorsqu’on le mange, il va bâtir notre corps. Un bon dégourdi va permettre de bien travailler la texture et la couleur de l’émail lors du grand feu. Pas assez cuit, l’émail passera au travers comme absorbé par la terre, trop cuit, l’émail glissera en surface sans adhérer au tesson.


Jeudi11 janvier :

La couleur :

Cet après midi, André ou Antoine, je ne me souviens plus très bien, en passant, trouvait l’ambiance plutôt paisible. Je lui dis alors toute mon angoisse de céramiste masquée par cette paix silencieuse. Là où fini l’angoisse de la création de l’artiste, commence celle du céramiste.

L’émail je le prépare, je le pèse, le compose, mais le feu ?

Est-ce que ce four là me donnera pareille couleur au mien ?

« INCERTITUDE, me disait René BENLISA, mon maître. Pierre, la céramique est faite d’incertitude. Tu fais ce qu’il faut pour que ça marche, et puis : le feu, c’est le feu qui commande ».

Alors à chaque four je m’adresse au feu, pour en faire mon allié. Si ça ne marche pas, je sais alors que mon orgueil m’aura poussé dans trop de vouloir faire…..


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